EMIL & THE ECSTATICS
Bit By Bit
Naked Prod / Bertus
Des signes avant coureurs, assez discrets il est vrai, annonçaient le séisme à venir : un troisième album de ces Suédois à l’allure décomplexée, à l’élégance racée, une oeuvre enfin livrée en place publique et à déguster ‘bit by bit’… Posté au coin de ce fameux carrefour mythique (dont Xroads est la vitrine légale), je sentais déjà le souffle, voire le souffre, d’Emil et ses Ecstatics brisant le blues scandinave. Peu m’en chaut, cet album, n’est pas aussi dévastateur que la rumeur le laissait entendre, restant quelque peu conventionnel malgré le talent de ses géniteurs et ce pincement de plaisir qui glisse au long des 14 titres du disque (pas radins les mecs) ! Mais que demande donc les hérauts du blues, toujours à l’affût de l’ultime pépite ? Foin d’hésitations, cet opus est bon, disons-le tout net ! Il est plombé d’excitantes compositions (signées Emil Arvidsson), suinte de l’harmonie parfaite entre la palanquée de musiciens, agite les sons d’un jeu subtil des plus intéressants, et s’offre une belle brochette de blues. La palette est colorée et large, de la brise légère d’une blue-eyed soul aux effluves anglaises des 60’s, de la virée delta blues au revival chicago, de la Lousiane à la West Coast, des plages slidées d’Hawaii (‘The Hula’) à celles de la côté ouest du surf des 60’s (‘The Spook’ , très réussi), ou même à celles plus exotiques avec un clin d’œil aux rythmes samba (‘Lucky Girl’). Ces Scandinaves savent terriblement bien saisir l’essentiel et l’esprit des musiques roots. Leurs traductions ‘revivial’ ont toujours quelque chose de réussi, avec un sens de l’authenticité et le goût de l’excellence. La formation est excellente et a ce sens du blues que peu d’autres savent peut-être faire passer dans leur œuvres, un respect de la tradition comme l’art de la mettre au goût du jour, le son comme le chant, et avec la prétention de faire bien et de bien le faire. Emil est un excellent guitariste, à la technique efficace, au jeu souple, doublé d’une voix claire et bien placée, un talent indéniable ! Son blues sait se faire tendre comme vif, rugueux ou teinté d’une soul soyeuse. Ses compagnons n’ont rien à se reprocher, bien au contraire, et redoublent de brio, de la section rythmique instinctive, parée d’un groove superbe, jusqu’à l’orgue lui-même, qui touche les notes célestes d’un Brian Auger. Ça joue, ça ronfle bien, ça swingue, c’est bon pour le blues, bien pour le public d’un club, moins peut-être pour un album à la prétention évidente mais qui reste malgré tout assez classique. Il manque peut-être juste comme un grain de folie dans ce blues puisé à la source, un certain délire qui pousse au dépassement et à …l’extase ! Extatique !